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Inside Vincent M
19 juillet 2016

Déchoir de nationalité ?

Confirmée par le Premier Ministre Manuel Valls, la décision du Président de la République François Hollande d'étendre la déchéance de nationalité aux jihadistes binationaux place désormais ces derniers, qu'ils soient devenus Français par leur lieu de naissance* ou par leur filiation (notamment dans le cas d'un couple mixte), dans la même situation que les immigrés ayant été récemment naturalisés, seuls concernés jusqu'à présent par la déchéance de nationalité après une condamnation pour terrorisme. En d'autres termes, les jeunes issus de l'immigration, nés Français, ne bénéficieraient plus au regard du droit d'un traitement différent de celui des immigrés fraîchement naturalisés. Si cette mesure est difficile à admettre pour les principaux intéressés, quand bien-même condamneraient-ils avec force le terrorisme, son acceptation devrait toutefois bénéficier d'un large soutien auprès de l'opinion publique, à plus forte raison après le traumatisme provoqué par les attentats du 13 novembre à Paris. Au-delà de la dimension humaine, se pose également la question de la légitimité morale d'imposer à un pays de recevoir sur son sol un terroriste, comme le soulignait l'ancien juge anti-terroriste Marc Trévidic. "Comment expulser un individu qui a toujours vécu en France ? Une autre nation a-t-elle à gérer quelqu'un né chez nous ? Imaginons qu'un autre pays, par exemple le Maroc, vote un texte similaire. Une personne y aura passé toute sa vie et, d'un seul coup, le Maroc nous l'envoie car également français. On n'exporte pas un terroriste !" Cette question est loin d'être seulement théorique : Karim Mejatti, un jihadiste marocain, ancien responsable d'Al-Qaïda, tué le 5 avril 2005 en Arabie saoudite, fils d'une Française de souche, était aussi Français par filiation. A ce titre il aurait très bien pu être déchu de sa nationalité marocaine, comme le fut Oussama Ben Laden, privé de sa nationalité saoudienne à partir d'avril 1994. Cette déchéance n'a pas empêché Oussama Ben Laden, qui n'était pas bi-national bien que d'origine yéménite, de poursuivre son combat contre le Royaume saoudien jusqu'à sa mort en mai 2011. Bien que cette mesure de déchéance soit avant tout symbolique, celle-ci n'est cependant pas dépourvue d'une relative efficacité. Certes, retirer aux jihadistes la nationalité française n'empêchera pas les plus déterminés d'entre eux de revenir en France munis de faux passeports, à l'instar d'une partie des terroristes du 13 novembre, en s'infiltrant parmi les migrants venus de Syrie ou éventuellement de Libye. Pour autant déchoir de la nationalité française les binationaux revenus de Syrie comporte un indéniable intérêt du point de vue des services de renseignements : celui de réduire sensiblement le volume de personnes à "déradicaliser" ou tout simplement à surveiller, une fois leurs peines de prison accomplies. Face à cet argument, beaucoup d'observateurs avancent le nombre important de "convertis" parmi les jihadistes pour remettre en cause l'efficacité de cette mesure. C'est méconnaître la sociologie du milieu jihadiste, où une bonne partie des convertis sont des descendants d'immigrés africains de tradition chrétienne. Il est vrai que depuis quelques années un certain nombre de clichés et de lieux communs présentent "le converti à l'islam d'origine européenne" comme forcément plus radical que les autres musulmans. Pourtant, près de vingt ans après l'affaire du gang de Roubaix, impliquant deux Ch'tis devenus jihadistes, Christophe Caze et Lionel Dumont, aucun converti européen n'est parvenu à réaliser un attentat majeur sur le sol français, ce qui ne veut pas dire que cela n'arrivera pas dans l'avenir. Il n'est pas inutile de rappeler que si l'on trouve des sympathisants du courant jihadiste et des jeunes partis en Syrie dans tous les milieux, y compris dans les catégories sociales aisées, les auteurs d'attentats en France de ces trois dernières années ont, en revanche, des profils similaires. Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche, les Frères Kouachi, Amedy Coulibaly et au moins une bonne partie des kamikazes du 13 novembre sont des Français issus de l'immigration ayant en commun un passé de délinquants. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, être un ancien délinquant serait plutôt un avantage pour les futurs jihadistes. En effet, ils bénéficient d'une expérience de l'illégalité, voire de la clandestinité, leur permettant de déjouer plus facilement les surveillances policières tout en disposant des réseaux nécessaires pour acquérir des armes dans la discrétion. Ainsi Dar al-Islam, le magazine francophone de l'Etat islamique (EI) avait recommandé à ses lecteurs dans son n°5, publié en juillet 2015, d'adopter l'aspect d'un "jeune de cité" déterminé à faire "un casse avec une arme" afin de pouvoir se constituer un arsenal sans éveiller de soupçons . Evidemment il est beaucoup plus simple pour un ancien délinquant de se fondre dans un milieu auquel il a appartenu et dont il maîtrise tous les codes que pour un converti à l'islam, Français de souche, appartenant à la petite bourgeoisie provinciale. Il ne faut donc pas s'étonner de voir d'anciens dealers, ayant dans le passé séquestré et torturé leurs rivaux dans des affaires de stupéfiants, être affectés à la garde des otages détenus par l'EI, en raison de leur compétence en matière de "coercition physique". Dans cette perspective, la figure de la "caillera repentie" offre un parallèle saisissant avec celle des anciens officiers irakiens de l'armée de Saddam Husseïn. Une fois convertis au jihadisme ce sont ces ex-officiers qui, en mettant leur expertise au service de l'Etat islamique d'Irak, ont transformé un simple groupe jihadiste formé autour d'une branche régionale d'al-Qaïda en une véritable puissance régionale. *Les enfants d'immigrés dont les parents sont nés en Algérie avant le 3 juillet 1962 deviennent Français dès leur naissance sur le sol national, les autres prenant la nationalité française automatiquement dès leur majorité.

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